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    décidément je ne m’y fais pas. Il est sorti boire un coup avec des amis connexes.

    – Ça lui changera les idées, songe-je.

    J’essaie vaguement de combler l’espace et le temps en regardant quelques épisodes de Friends, je lis, j’actualise Facebook, Instagram. Taire ce fourmillement interne.

    Hier soir, on est sortis au cinéma. On a marché dans la nuit froide et la fumée de sa cigarette m’incommodait. Quand le film a commencé, j’ai pleuré. Je pleure rarement, ça m’arrive quand je suis vraiment triste, je suis rarement vraiment triste.

    Ce matin, je me suis levée en ayant une envie furieuse de salé et j’ai accompagné mon café d’un jambon-beurre-emmental. Et puis j’ai reçu son petit message et j’ai encore pleuré. J’ai pensé à la distance et puis à cette folle re-rencontre. Ses yeux, son sourire, ses baisers, son corps, son étreinte.

    J’ai vu défiler dans ma tête cette nuit surréaliste où il disait qu’il me trouvait belle et qu’il me désirait à l’infini. Cette nuit où dans ses bras j’ai pensé « Je suis enceinte » et où je me suis dit juste après « mais non c’est impossible ». Quand soudain.

    Sur le canapé, figée, glacée, transie par cette pensée. Je n’écoutais plus le flot de paroles qui émanait du poste de télé. Le temps s’est arrêté.

    Les pleurs, encore, les sanglots. Comment ai-je pu. Nier cette vie et m’abandonner. Sans penser au reste, sans penser tout court. Envoyer valser les principes, la morale, la bienséance et rentrer sans regrets, aucun.

    Dans l’avion du retour, la seule chose qui me donnait la nausée c’était de retrouver ce quotidien, cette routine plate et morne quand je venais de me sentir si vivante.

    Quand il est venu me chercher à l’aéroport, il a tout de suite identifié le malaise et a dit – tu es différente.

    Je n’ai pas pu lui mentir, j’ai arrêté de mentir. Sortir de ce déni. Et je lui ai tout déballé. Tout, tout, tout. Tant de choses refoulées depuis tant d’années.

    Ça lui a fait mal mais il a dit qu’on le surmonterait. Mais déjà, je n’y croyais plus, j’avais abandonné. Il disait – Ça ira et cherchait à se culpabiliser.

    Ce soir, je me suis dit qu’il était temps d’affronter ce qu’au fond de moi je savais déjà. Cette intuition étrange que j’avais ressentie, dévoiler cette certitude déguisée.

    J’ai tremblé en ouvrant le paquet, j’ai tremblé en me concentrant sur l’orientation du fluide, j’ai tremblé encore en posant le stick et en attendant que les trois minutes s’écoulent. C’est long trois minutes. Infiniment long. Quand soudain.

    Je suis enceinte. Je souris, je renifle, je tremble.

     


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