• Soudain,

     

    un hurlement félin perçant la quiétude de ce dimanche après-midi. 

    – Sérieux change ta sonnerie, ça agite les animaux !

    Je sais que c’est lui. Ça ne peut être que lui. L’air de rien, j’alourdis le pas pour ralentir le mouvement qui viendra mourir sur le téléphone qui trône sur la table du salon.

    Ses mots apparaissent.

    - Alors il n’a pas oublié, songe-je.

    Plus tard, hurlement félin bis. Il m’attend dehors. Tachycardie.

    Je presse le pas, inspire, expire. Au loin, il esquisse un sourire. J’approche, j’évite ses yeux. Non en fait je veux voir. Il est beau, terriblement beau. Comment ai-je pu en douter. Comment ai-je pu oublier.

    Il ouvre la portière et je me glisse sur le siège. Il démarre, le silence.

    Quelques mots viennent, s’échangent, maladroits. Sans jamais évoquer pourtant le cœur de notre préoccupation principale.

    On se perd sur une route de campagne à la recherche d’un bout de soleil.

    Une fois garés, il dit – tu as soif ? et me tend une bière. J’hésite et me demande si c’est un piège. Il n’a pas l’air de relever quoi que ce soit. Sait-il que l’alcool est proscrit pendant la grossesse ?

    On y vient.

    - Alors comment s’est passé ton rendez-vous, tu as vu la sage-femme ?

    -      -  Je n’y suis pas allée.

    -      - Comment ça ? Pourquoi ?

    -      -  Parce que je suis allée à l’hôpital.

    (…)

    -       - À l’hôpital, pour quoi faire ??!

    -        Je le regarde, ses yeux sont humides, il paraît inquiet. Je baisse la tête, dissimule mon visage entre les cheveux. Il répète :

    - Q  - Qu’est-ce que tu es allée faire à l’hôpital ??!

    -      -  Je…

           (...)

    -       Tu.. tu as avorté ?

     (…)

    -      -  Oui. 

           Et là, tout s’est emmêlé dans ma tête. Je n’ai même pas remarqué le soleil qui au loin s’éteignait face à nous.

    J’ai senti qu’il était profondément ému, troublé, décontenancé. J’ai lu dans ses yeux que malgré l’évidence de ce choix rationnel, son cœur lui avait murmuré quelque chose.

    (...)

    -      Quelque part, je suis soulagé.

    Ces mots sonnaient faux. Ils suintaient l’auto-persuasion. On s’est entendus. Au delà des mots, nous étions sur la même fréquence. La même envie, la même peur, la même douleur.

    Il caressait mon genou tendrement, avec pudeur, en disant qu’il aurait voulu être là, présent pour moi, m'aider à traverser cette épreuve et d'ajouter :

    -       - J’avais peur que tu m’en veuilles.

    -       - T’en vouloir de quoi ?

    -       - Je sais pas.

    -      -  Je ne t’en veux pas, c’était un accident. Ça arrive les accidents. Toute cette histoire n’est pas due au hasard, le fait de se revoir après tant d’années et que ce soit arrivé avec toi, tu vois. Et ce qui est fou, c’est que ça aurait été avec un parfait inconnu, j’aurais pas hésité une seconde. Mais là tu vois… le fait que ça soit toi...

    -       - Oui, j’ai compris que t’avais hésité.

    (…)

    -       - À quoi tu penses ?

    -       - À ce que tu viens de dire. Il s’est rapproché doucement pour me serrer fort contre lui.

    -       - J’ai tellement envie de prendre soin de toi, de te protéger.

     


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